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Dans l'Atlantique, sur les routes pour les Canaries, le nombre de victimes a diminué, passant de 1.035 en 2006 à 745 cette année, mais en termes relatifs, la mortalité a augmenté, vu que le nombre d'arrivées sur l'archipel espagnol a baissé de 75% par rapport à 2006. Dans le détroit de Sicile, les victimes détectées en 2007 par Fortress Europe sont 551 par rapport aux 302 de l'année dernière et avec une baisse des arrivées de 20%. En mer Égée, l’année 2007 sera rappelée comme une année tragique: 257 morts, soit quatre fois plus que les 73 victimes de 2006, même si les arrivées dans les îles grecques ont doublés. Quoi qu'il en soit, à travers toutes les routes de la Méditerranée et de l'Atlantique, durant toute l’année 2007, pas plus de 50.000 migrants ont atteint l'Europe, c’est à dire moins d'un tiers des 170.000 travailleurs étrangers demandés dans la même période seulement par le gouvernement italien.
Sur la frontière Grèce-Turquie, l'année ne pouvait pas plus mal finir. Dans la nuit du 10 décembre, une embarcation surchargée faisait naufrage peu après avoir appareillé depuis la localité de Seferihisar, dépendant d'Izmir, pour l'île grecque de Chios. 51 cadavres ont été récupérés, 28 personnes sont toujours portées disparues. Dans les deux semaines suivantes, deux autres naufrages ont fait 8 victimes au large de Bodrum et 32 au large de Lesbos. Au moins 885 migrants et réfugiés sont morts depuis 1994 en essayant d'atteindre la Grèce. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur grec, 4.000 migrants ont débarqué sur ses côtes en 2006 contre 10.000 en 2007. L'Unhcr a exprimé sa préoccupation, en particulier pour les 3.500 Iraquiens qui ont demandé l'asile dans la première moitié de l'année dans un pays, la Grèce, qui n'a jamais donné l'asile à un seul iraquien. Le refus des demandes d'asile en Grèce est systématique: sur plus de 13.345 demandes présentées au cours des sept premiers mois de 2007, seulement 16 réfugiés ont été reconnus et 11 autres personnes ont reçu une protection humanitaire. Le 0,2%. Les autres ont été expulsés vers la Turquie, comme documenté par le dernier rapport de Pro Asyl.
Il y a une forte diminution du nombre de migrants qui sont arrivés en Espagne, via les îles Canaries et les côtes de l'Andalousie, cette année : moins 60% par rapport aux chiffres de 2006. Mais le nombre des décès est encore trop élevé. Au moins 876 personnes sont mortes en 2007, comparativement aux 1.250 en 2006. La nuit du 10 décembre, un naufrage au large de Dakhla, au Sahara occidental, a fait 50 morts. Le même jour, 40 autres personnes ont perdu la vie au large des côtes sénégalaises. Partie de la Casamance, depuis l'île de Djogué, avec 130 clandestins à bord, une pirogue a échoué à Yoff avec 1 mort et 14 blessés graves, après 12 jours à la dérive afin d’éviter les navires de Frontex. Les cadavres des autres 39 passagers morts pendant la traversée ont été jetés à la mer. Durant l’année 2007, quelques 1.500 migrants ont été interceptés par Frontex en Atlantique, alors que plus de 18.000 Sénégalais ont été rapatriés de l'Espagne depuis 2006. Aujourd’hui les pirogues naviguent jusqu'à 300 milles au large de la côte africaine, afin d'éviter les patrouilles de Frontex, et passent une dizaine de jours en mer avant d’atteindre les Canaries, avec des risques énormes. Et à cause de la longueur de la traversée, les migrants qui arrivent à Las Palmas, sont souvent en mauvais état de santé, en forte déshydratation et hypothermie. Le 6 novembre dernier, une pirogue a été secourue à La Güera, en Mauritanie. Ils allaient à la dérive depuis trois semaines après une panne, avec 101 passagers à bord. Ils étaient partis depuis Ziguinchor, au Sénégal, vingt jours auparavant. 56 d'entre eux sont morts et leurs corps ont été abandonnés en mer. Et personne ne sait combien sont-ils ces naufrages fantômes qui se produisent au milieu de l'océan, comme celui d’octobre, dont le seul écho à été les funérailles collectives célébrées dans la ville de Kolda, au Sénégal, par les familles des 150 disparus.
Comme le détroit de Gibraltar devient de plus en plus difficile à franchir, grâce aux systèmes de surveillance électronique et à la coopération du Maroc avec Madrid, deux nouvelles routes pour l'Espagne se sont ouvertes : une passe par le Portugal, l’autre par les Baléares. Le 17 décembre, 23 marocains ont débarqué à Olhao, dans le sud du Portugal. Aux îles Baléares, plus à l'est, pendant l’année 2006 n’étaient arrivés que 8 migrants. Et aujourd’hui ils sont déjà 577 pour les premiers 11 mois de 2007. Ils partent depuis Oran, en Algérie, le long d'une route parallèle à celle qui amène en Sardaigne, en Italie, depuis Annaba. Mais l’Algérie coopère avec l'Espagne et environ 1.500 Algériens ont déjà été arrêtés cette année par les gardes-côtes algériens, qui ont aussi récupéré les corps de 83 victimes sur les côtes, par rapport aux 73 retrouvés en 2006 et aux 29 en 2005.
Le 29 décembre, l'Italie et la Libye ont finalement signé un accord bilatéral pour des patrouilles conjointes des côtes libyennes. Les navires italiens patrouilleront les eaux libyennes, avec des équipages mixtes, et tous les migrants interceptés seront renvoyès en Libye, et ensuite déportés. L'accord prévoit aussi la fourniture (avec un financement de l'Ue) d'un système de contrôle des frontières libyennes terrestres et maritimes. Amnesty International avait déjà demandé à l'UE de cesser la coopération avec la Libye, sans garanties pour le respect des droits des migrants. Allégations de torture et violences en Libye ont été dénoncées par Human Rights Watch, Afvic, et Fortress Europe: 60.000 migrants sont arrêtés et déportés chaque année dans la Grande Jamahiriyya, y compris des femmes et des enfants, des migrants économiques comme des réfugiés politiques. Arrêtés dans les rafles de la police et détenus sans jugement, pendant des mois, voire des années, dans des conditions inhumaines et dégradantes, pour finalement être renvoyés dans leur pays - même quand il s’agit de réfugiés - ou pire abandonnés au milieu du désert, le long de la frontière libyenne avec le Niger, le Tchad, le Soudan et l'Égypte.
L'article 19 de la « Charte des droits fondamentaux de l'Ue » interdit les expulsions collectives, et la ré-admission d'un ressortissant étranger dans un pays tiers où il risque la torture, interdite aussi par la « Convention internationale contre la torture » des Nations Unies, et par la « Convention de Genève sur les réfugiés » de l’Onu de 1951. Une convention, cette dernière, jamais signée par la Libye. La Cour européenne des droits de l'homme, soutenue par le parlement européen, le 10 mai 2005 condamna l'Italie et ordonna la suspension des expulsions collectives depuis Lampedusa, après que plus de 1.500 migrants débarqués sur l'île aient été ramenés en Libye. Il y a trois ans, les expulsions collectives étaient indiquées comme illégales par l'une des plus hautes institutions de l'Ue, au nom du droit international. Aujourd'hui, elles sont l'objectif déclaré de l'agence européenne pour la sécurité des frontières, Frontex.
Les opérations conjointes menées par Frontex en 2007 ont été 22 et les ressortissants de pays tiers appréhendés ont été 19.295, dont 11.476 interceptés en mer, 4.522 aux frontières terrestres et 3.297 dans les aéroports. En 2006, à la suite de patrouilles de Frontex, 32.016 migrants avaient été arrêtés. Frontex est en train de patrouiller toutes les frontières de l'Ue : aériennes, navales et terrestres. Nous avons écrit à propos des missions Nautilus dans le détroit de Sicile; Héra, au large des Canaries; Indalo dans le détroit de Gibraltar ; et Poséidon dans la mer Égée. Mais la liste est plus longue, et elle est contenue dans un exclusif document officiel de Frontex, mise en ligne par Fortress Europe. Il y a eu la mission Minerve, dans les ports andalous; Hermes, entre la Sardaigne et les Baléares, à proximité des eaux algériennes; Zeus, dans les ports allemands; Fifa, en Allemagne durant la Coupe du monde 2006; Niris entre l'Allemagne et les Pays scandinaves contre l'immigration chinoise ; puis Ariane entre l'Allemagne et la Pologne; Gordius, en Roumanie, en Slovaquie et en Hongrie ; Héraclès en Hongrie; Kras et Drive In en Slovénie; Ursus en Roumanie, Slovaquie, Hongrie et Pologne. Et pour la Coupe d'Europe 2008 en Autriche et en Suisse, Frontex est déjà en train de préparer une mission qui s’appellera Euro Cup 2008. Sans oublier les nombreuses opérations Frontex dans les aéroports de toute l'Europe, comme Amazon, Agelaus, Hydra, Extended Family, Long Stop, Argonautes. Et sans parler des programmes de formation, allant de projets de retour conjoints à la détection des voitures volées ou même à la formation pour de maîtres-chien. Et il est sûr qu'ils vont faire mieux en 2008, étant donné que le budget de l’agence a été doublé atteignant 30 millions d'euros.
Pas de surprise en tout cas dans une Europe qui a fait de la détention des migrants sa règle. Selon un article récemment publié par l'"International Herald Tribune", il y aurait maintenant 224 camps de détention pour les migrants dans toute l'Union européenne. Ils peuvent accueillir au total plus de 30.000 personnes, des demandeurs d'asile et des immigrés sans permis de séjour en attente d'expulsion. La carte des camps ressemble à une carte militaire. La durée maximale de la détention est de 60 jours en Italie, 32 en France, trois mois en Grèce, 18 mois à Malte, tandis que dans beaucoup d'autres pays, il n'y a aucune limite. Les conditions sont terribles et les centres sont l'objet de révoltes, d'incendies et de suicides. La dernière victime a été un tunisien, né en 1979, qui s'est pendu le 30 décembre 2007 dans le camp de détention de Berlin Koepenick. En Italie, deux hommes s’étaient suicidés il y a tout juste trois mois, en octobre, dans le camp de Modène. Et on se souviendra des iraniens détenus dans le camp grec de l'île de Samos, qui se cousirent les lèvres avec du fil de fer en signe de protestation en 2006. L’ong néerlandaise "United" a publié une liste des centaines de cas similaires dans toute l'Europe.
Le 21 décembre 2007, l'espace Schengen s’est élargi à l'est, en intégrant l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie. Pays qui entrent dans l’espace de la libre circulation à la condition de garder la frontière orientale. Ce sont ces Pays ci en fait qui sépare l'Union européenne de la Biélorussie et de l'Ukraine, qui transitent vers l’Europe de milliers des ressortissants des ex-républiques soviétiques, de l’Asie et du Proche-Orient et même d’Afrique. Les 97,8 km de la frontière entre la Slovaquie et l'Ukraine ont été transformés en mur virtuel. 250 caméras installées en terrain plat le long de la frontière : un signal se déclenche en cas de franchissement et une fois le point de passage localisé sur écran, une patrouille équipée de Gps part sur les lieux avec des chiens. Le système, qui a coûté 50 millions d’euros et financé par l’Ue, compte aussi sur des détecteurs de chaleur ou de mouvement, infra-rouge, rayon X ou à ondes magnétiques. Ces dernières années le flux n’a cessé d’augmenter. 25.539 migrants ont été interpellés sur cette frontière en 2004 et 32.756 en 2005. Une fois appréhendés, ils sont renvoyés en Ukraine. Human Rights Watch a dénoncé à plusieurs reprises les accords de réadmission entre les pays de l'Europe de l'Est et l'Ukraine, se déclarant particulièrement préoccupé pour les réfugiés de la Tchétchénie et de l’Ouzbékistan rapatriés depuis l’Ukraine. Même un récent rapport publié par Jesuit Refugee Service dénonce les conditions de détention dans les camps des 10 nouveaux États membres de l'UE. Bruxelles connaît ces rapports, mais a déjà signé un accord de réadmission avec Kiev, le 18 juin 2007, qui devrait entrer en vigueur très bientôt