Il s’appelle Azzedine Nebili, Azzou de son nom d’artiste. Et avec Ismaël et DJ BDRI il forme le groupe rap des Hood Killer actif sur la scène algérienne depuis 1998. Harraga est l'un des ses derniers morceaux, consacré aux enfants des quartiers populaires d’Annaba partis au cours des cinq dernières années sur la route de la Sardaigne, en Italie. Cette chanson est un voyage, «un voyage vers la Sardaigne». C’est Azzou qui le dit dans son texte: «Viens, je vais te dire comment nous n’étions pas loin d’y rester.» Dedans il y a tout. La peine d'une vie sans perspectives et le choix, presque inévitable, de brûler la frontière. «Mon destin est le bateau, mais je pars le cœur lourd, pardonne-moi maman, papa pardonnez-moi, j'aime mon pays, mais Dieu a décidé pour moi.» Le reste est une sorte de reportage. L'organisation du voyage avec ses amis, l'achat du bateau et du GPS, la peur de mourir en mer, les prières, et enfin le sauvetage au large de la côte de la Sardaigne. Comme référence à l’Italie il n’y a que le centre de détention d’Elmas, près de la ville de Cagliari, et une expulsion qui arrive après dix jours même si «tu dirais dix ans» après toutes les humiliations subies. Liés comme des moutons et traités comme des lépreux: «un Italien vient vers nous et parle par gestes, il nous parle de loin comme si nous avions la peste.» Pour Azzou, comme pour Lotfi, le morceau se termine avec une dédicace aux centaines de jeunes d’Annaba disparus en mer. «Nous remercions Dieu, nous sommes sauvés, regarde ceux qui sont morts, leur vie s’est terminée sans un sens, une mère attend son fils et un poisson l’a mangé.» Une bonne écoute. Et une bonne lecture, car vous trouverez ci-dessous le texte intégral traduit du darija algérien.
Sardinia Harraga Rana michna harraga, ma7gourin min lhem ma7gourin min lfa9r, ma7gourin min l7hogra el lhem ou chommage. Ou choufet rana hne fi bledna bass 7aichin blè ma3na ou 3leh mousta9bel met3na dha3. El masir mte3i houwa el flouka, bass raya7 foug gelbi, yomma sem7ini, baba seme7ni, bledi n7ebbek bas allah ghaleb. Hedhi voyaja, voyaja el Sardinia. Arwa7 na7kilek grib le ro7na feha. Estanna rabby ou b3inina chofna el mout. Yokolni el doud ou meiekelnich el 7out! El biben ma9foula ou da3wa mahlouka. Gult mei: “Foukha ghir el harba fi flouka.” Mele tlemine fi 3achra min nes, chrina flouka, motour ou GPS. 5airna el risk 5atalk el koul triste puisque 3aichin fil hem 3alla piste. Mele b3id 3alla plage ou b3id 3al cap tlighine fi 3achia el koul fi Wed Bou9rat. Fi flouka g3adna face a face b5adhna, lbled mta3 zit ou el capa ou el mekla m3ana. Ki s5oun el moutour el bred ken fi ghelbi. “Ye weldi - yomma t3aiet - weldi golli.” Ndemet bsa7, ouchia el flouka mchet, fakkretni ouch9asit fi hedhe el 7ayet, fakkretni fil diplome eli 3omri me7dimt bih, m3alleg fil 7it nebki ki nchouf lih, tfakert el fo9r choufet ou ltahrag goult: “Koun nog3ad lehne nwelli serra9.” Fil flouka 9rit ouchna3ref mil 9oren nsit chweye min hemmi ou nsit eli ken. Hedhi voyaja, voyaja el Sardinia. Arwa7 na7kilek grib le ro7na feha. Estanna rabby ou b3inina chofna el mout. Yokolni el doud ou meiekelnich el 7out! 4 soueya3 na7kilek apris dima raje lb7ar ken kalm ou zid ba3d hej, les vagues darrou bina miskina seffina melgetech eddir bina. Est ce que nebkiou 3alehe wele hia tebki 3alina? Na7kilek el mout chofneha me bin 3inina, el ma d5al lil flouka 5arrijneha bil bidoun, 7bess el Gps, 7bess ettelifoun. Eli kouna harib minhom tmenit ya7kmouna, ness bissouaredha lil mout eb3athouna. El temma a5reft ro7i miit ou golt: “3omri ra7” fakkert oueldia ou tlobt minhom sme7, lmzia rabbi, soub7annou, mensenech, d3aou el weldin ouaslo blè Gps. Chofna babour jei min lib3id, frra7na ou 3aiatna ou goulna: “Espoir jdid” rja3t fina rou7. Tel3ouna ou weklouna, deouena ou ghattouna, el sardinia waslouna, far7an bas meni fehem wellou. Arwa7 na7kilek s7aibi fina oujderou Hedhi voyaja, voyaja el Sardinia. Arwa7 na7kilek grib le ro7na feha. Estanna rabby ou b3inina chofna el mout. Yokolni el doud ou meiekelnich el 7out! Ghaslouna kima itaghsel gasch el bala bkit 3al ouled bledi fi hedh el 7ala, rabtouna kil ghnem ou deouna li center ebki ye Yoghurta ebki ye 3antar, pourtant rani dzazairi ou ghelbi 7ar ma5reftech kifech armit rou7i fi nar, ou goulou 3alia 7arrag ou ene houwa el ma7roug iefhemni ghir eli jerreb kifi ene ou idhou9. 3addeou 3achra eyem fi centre tgoul 3achra snin fil bled 7attouna fil la3bed el maf9oudin, weldinne michhom 3arfin meitini wele 7ayn akhtar min 7rigt el miit 7rigt el ghaybin. Jene talieni yakhi m3ana bili geste, yahdher min lib3id tgoul 5aief min la peste. El temma fhemt belibeside ou zar9ouna lemouna kil bagages beh lbled leiraj3ouna. Ahna kimeken el 7amdoullah rana mna3na chouf eli metou ou 7iethom fardet ble ma3na, el oum eli testana fi weldha ou l7out kleh. Ye jeune idhe dhia9at 3alik arja3 lillah. Hedhi voyaja, voyaja el Sardinia. Arwa7 na7kilek grib le ro7na feha. Estanna rabby ou b3inina chofna el mout. Yokolni el doud ou meiekelnich el 7out! | Sardinia Harraga Nous sommes partis harraga, fatigués du malheur et de la misère, fatigués du mépris, la honte et le chômage. Mais tu as vu, nous sommes ici dans notre pays pourtant notre vie n’a pas de sens, l'avenir est déjà perdu. Mon destin est le bateau, mais je pars le cœur lourd, Maman pardonne-moi, pardonnez-moi mon père, Je t'aime mon pays, mais Dieu a décidé pour moi. Il s'agit d'un voyage, un voyage en Sardaigne. Allez viens, je vais te dire comment j’ai failli y rester. Dieu nous a sauvés, nous avons vu la mort de nos yeux. Que les vers me mangent et non les poissons! Les portes sont fermées et le destin est en ruine. Je me suis dit: "Je n’ai plus qu’à m'échapper sur un bateau." Nous nous sommes réunis, une dizaine de personnes nous avons acheté un bateau, un moteur et un GPS, Nous avons choisi le risque, parce que nous étions tous tristes de vivre dans la honte, Donc, loin des plages nous nous sommes retrouvés tous dans l'après-midi à Oued Bouqrat. Dans le bateau nous nous sommes assis l’un devant l’autre, entre nous, nous avions avec nous des bidons de pétrole et d’aliments. Le moteur était chaud, mais dans mon cœur il faisait froid. «Mon fils - ma mère a appelé - dis-moi mon fils. " Je regrettait mon choix, mais maintenant le bateau était parti, me rappelant ce que j'avais vécu dans cette vie, il m'a rappelé le diplôme avec lequel je n'ai jamais travaillé, il est accroché au mur et je pleure rien qu'à le regarder, il m'a rappelé la pauvreté que j’ai vue quand j'ai dit: "Si je reste ici je deviens voleur." J'ai lu dans le bateau Ce que je connaissais du Coran pendant un certain temps j'ai oublié mes malheurs et j'ai oublié le passé. Il s'agit d'un voyage, un voyage en Sardaigne. Allez viens, je vais te dire comment j’ai failli y rester. Dieu nous a sauvés, nous avons vu la mort de nos yeux. Que les vers me mangent et non les poissons! Quatre heures que je te raconte dans la colère, la mer était calme, mais il a fini par s’agiter, les vagues venaient contre nous pauvre bateau il ne savais pas quoi faire de nous. C'était nous qui pleurions pour elle ou elle pleurait pour nous? Je te le dis, la mort, nous l’avons vu entre nos yeux, l’eau entrait dans le bateau on la ramassait avec les bidons, le GPS s’était éteint, le téléphone portable ne marchait plus. Ceux que nous fuyions, maintenant on espéraient qu’ils viennent nous arrêter, les types avaient pris notre argent pour nous envoyer vers la mort. Là, j'ai cru être mort, Je me suis dit: «Ma vie est parti» et j'ai pensé à mes parents et je leur ai demandé pardon, mais heureusement le seigneur, qu’ils soit loué, ne nous a pas oubliés, et les invocations des parents sont arrivées même sans GPS Nous avons vu un bateau venir de loin, Nous avons applaudi et nous avons crié, nous nous sommes dit: «Un nouvel Espoir» et l’âme est retournée en nous. Ils nous ont embarqués et nous ont nourris, ils nous ont soignés et nous ont couvert et ils nous ont accompagnés en Sardaigne, heureux mais sans avoir rien compris. Allez viens, je vais te dire ce qui s'est passé Il s'agit d'un voyage, un voyage en Sardaigne. Allez viens, je vais te dire comment j’ai failli y rester. Dieu nous a sauvés, nous avons vu la mort de nos yeux. Que les vers me mangent et non les poissons! Ils nous ont lavé comme on lave une pale, et j'ai pleuré de voir les enfants de mon pays dans cet état, ils nous ont ligoté comme des moutons et ils nous ont emmenés au centre, Pleure Jugurtha, pleure Antar *, pourtant, je suis Algérien et mon cœur est chaud Je ne comprends pas comment ils aient fait à me jeter dans le feu, Ils me disent que je suis un harraga mais c’est moi celui qui a brûlé et seulement celui qui a essayé comme moi et qui y a goûté me comprend. Ils ont passé dix jours dans le centre mais on aurait dit dix ans, au pays on nous a contés parmi les disparus, Nos parents ne savaient pas si nous étions morts ou vivants, et la douleur brûle plus pour les disparus que pour les morts. Un Italien viens nous voir il parle à travers des gestes, il s’adresse à nous de loin même pas s’il avait peur de la peste. Là j'ai compris, On nous a recueillis comme des bagages pour être réexpédiés à notre pays. Nous remercions Dieu nous avons été sauvés, regardez ceux qui sont morts, leur vie est terminée sans un sens, Une mère attend son fils et un poisson l’a mangé. Les gars, si vous êtes en difficulté retournez à Dieu. Il s'agit d'un voyage, un voyage en Sardaigne. Allez viens, je vais te dire comment j’ai failli y rester. Dieu nous a sauvés, nous avons vu la mort de nos yeux. Que les vers me mangent et non les poissons! |
* Jugurtha était un roi berbère de Numidie qui au deuxième siècle avant JC, se mit en guerre contre l'empire romain dans les régions de l’actuelle l'Algérie. Antar était un célèbre poète pré-islamique arabe, il a vécu au sixième siècle.