01 November 2011

3.592 Tunisiens expulsés en 2011 depuis l'Italie

La semaine dernière, le dernier charter a décollé de Palerme direction Tunis. À bord se trouvaient comme d’habitude 60 Tunisiens recueillies dans les différents centres d'identification et d'expulsion (CIE) à travers l'Italie et une escorte de 120 policiers. Durant les mêmes heures, de Bari partaient les Charters avec les 99 Egyptiens débarqués quelques heures plus tôt sur la côte de la Calabre et expulsés en un temps record. Depuis le début de l'année, 3592 sont les rapatriements forcés vers la Tunisie et 965 ceux vers l'Egypte. Cela fait 4557 personnes expulsées malgré les lois italiennes sur l'immigration. Notamment, après une période de détention souvent non validée par le juge de paix, sans avoir pu rencontrer un avocat et sans avoir pu parler aux fonctionnaires du UNHCR, OIM et Save the Children, qui travaillent aux frontières afin de garantir les droits de ceux qui arrivent en Italie sans passeport. L'état d'exception est devenu la norme. Au nom de la plus grande efficacité dans les accords bilatéraux existants en Italie avec la Tunisie et l'Egypte. Et pour le ministère de l'Intérieur, le résultat est double. D'une part un nombre d'expulsions inimaginables il y a un an. D'autre part un changement substantiel de la population des Cie (centres d'identification et d'expulsion) où, après la disparition des Tunisiens, une sorte de trêve entre les prisonniers et la police commence après huit mois de troubles très chauds, d’émeutes et d’évasions audacieuses.

Oui, parce que depuis février dernier, les Tunisiens ont été les protagonistes de la plus grande des émeutes dans les Cie. D'un côté, ils représentaient la majorité des prisonniers sans papiers. Et d’autre part, venant tout juste d'arriver en Italie, ils avaient des attentes très élevées pour l'avenir, ce qui représente une grande détermination pour revenir à la liberté et construire cet avenir rêvé pendant des années, un rêve fait tout simplement d’un travail et de la rançon des familles restées au pays. Les rapatriements forcés, cependant, ont eu l'effet espéré par Maroni, et grâce à l’aide aussi de la mauvaise saison, les départs pour Lampedusa pour l'instant ont cessé. Depuis plus d'un mois et demi il n'y a pas eu de débarquements. Et avec le blocage des arrivées, les Cie ont recommencé à se remplir des pauvres de nos villes.

D'une part, les anciens prisonniers transférés dans les Cie à la fin de leur peine. D’autre part, les sans-abri et les prostituées victimes des descentes de police dans les quartiers populaires. Et au milieu toutes les personnes arrêtées pour un banal contrôle d'identité. Le contrôleur du tram, le poste de police à la sortie de l’autoroute ou la police des gares. Certains vivent en Italie depuis toute une vie. Dehors ils ont une femme et des enfants qui les attendent. D’autres depuis de nombreuses années n'ont jamais été en mesure de reconstruire leurs vies. Condamnés à une vie misérable car ils n'ont pas ce morceau de papier qui leur permet de signer un contrat de travail ou la location d'une maison. Ils sont comme des fantômes après une vie dans la rue.

La vérité est que, parmi une population si diverse il est difficile qu’un lien de solidarité et de révolte naisse au sein des centres de détention. La méfiance et l'incompréhension sont plus fortes. Sans oublier que bon nombre des anciens prisonniers arrivent dans les Cie après un passé de dépendance aux médicaments psychotropes et que beaucoup d'autres suivent ce même exemple. Rivotril, le Valium, Serenase. Il suffit de demander. Les bons médecins employés dans les Cie distribuent il suffit d’en faire la demande. Les doses ne sont pas un problème, il y a des stocks. Dans le fond, le fait d’avoir une bonne moitié de détenus anéantis par les drogues aide à garder la paix dans les cellules et permet de poursuivre les travaux de rénovation dans les sections dévastées par les jeunes Tunisiens dans les derniers mois.

Il y a encore des tentatives d’évasion, mais par rapport aux premiers événements ce sont des cas isolés et sans importance. La punition, par contre, continue toujours à être exemplaire : arrestation en flagrant délit. Les charges sont toujours les mêmes: blessures et résistance à agent public.

Alors, le soir du 28 octobre à Turin un homme sénégalais est fini en prison après avoir été hospitalisé suite à un malaise dans un Cie, après la visite, il a essayé de s’échapper des deux officiers de l'escorte. Il a été arrêté après une bagarre violente. Les deux agents ont été hospitalisés, l’un avec une distorsion au niveau de la cervicale et l'autre avec une luxation de l'épaule. Le détenu, lui, a été arrêté et conduit à la prison de Vallette sans que son pronostic ait été rendu.

Et dimanche dernier, le 30 octobre, c’est encore une bagarre qui a eu lieu au centre d'identification et d'expulsion de Bologne, dans la Rue Mattei, où quinze détenus ont réussi à franchir la porte de la cage qui sépare les cellules du terrain de football. Dans les émeutes qui ont éclaté entre les fugitifs et la police intervenue pour empêcher l'évasion, trois policiers ont été blessés ainsi que trois prisonniers. Les trois détenus, après les premiers soins ont été arrêtés pour agression et résistance à agent public. Lors des affrontements, l'un des détenus - un jeune Tunisien de 26 ans - a, cependant, réussi à s'échapper en escaladant la clôture et en sautant le mur d'une hauteur de plus de cinq mètres. Nous n’avons pas de ses nouvelles. Mais un homme libre est toujours une bonne nouvelle.