30 July 2011

Révolte en direct au Cie de Ponte Galeria


Minuit est passé depuis quelques minutes seulement au centre d'identification et d'expulsion (CIE) de Rome. Trois condamnés tentent de s'échapper. La police les retrouve et commence à les tabasser suivant l’ordre d’une femme inspecteur qui a décidé de ne pas être tendre ce jour-là. Pourtant quelqu’un a vu la scène et en est outragé, il répand l’information parmi les détenus de la section homme. La révolte explose. Les détenus refusent de retourner dans les dortoirs, la police antiémeute depuis l’extérieur de la cage menace de la défoncer. A l'intérieur on s'arme de pierres pour se défendre et on met le feu à quelques matelas. En attendant, nous, de l'extérieur, grâce à des sources fiables au sein du Cie, nous suivons pendant toute la nuit l’évolution de la révolte. Lisez comment ça s'est passé. Et si vous aussi vous ne trouvez pas ça normal, appelez le standard du centre d’identification et d’expulsion de Rome, à Ponte Galeria. Qu'ils sachent qu’on les contrôle.

00:47 heures
La police est en train de tabasser 4 Algériens au centre d'identification et d'expulsion (CIE) de Rome. Ils les ont pris il y a une heure pendant qu’ils tentaient de s'échapper. D’après les témoignages, ils auraient été frappés violemment. Les autres détenus de la section homme protestent à l’extérieur des dortoirs. Ils se sont placés face à l'entrée de la cage et empêchent l'entrée de la police qui normalement à cette heure-ci les enferment dans les différentes sections. Ils refusent de rentrer dans leurs dortoirs si on ne leur montre pas dans quelles conditions sont les quatre Algériens, qui restent isolés dans la pièce où ils ont été frappés.

01:17 heures
Les détenus refusent toujours de rentrer et restent concentrés devant le portail de la cage. Au-delà de la grille les forces de sécurité sont déployées en tenue antiémeute. Une vingtaine de militaires et une trentaine d’agents de police et des finances sont prêts à intervenir pour arrêter la manifestation. Les quatre Algériens sont toujours enfermés dans la pièce où ils ont été frappés. Il s’agit de quatre Algériens débarqués à Lampedusa au cours des dernières semaines en provenance de la Libye.
Les Egyptiens pris par la police lors du raid du 27 juillet aux halles de Rome, à Guidonia-Montecelio, qui a conduit à l'emprisonnement de 16 travailleurs égyptiens sans contrat, participent également à la manifestation. Les deux détenus en isolement désormais depuis plus d'un mois, l'un d'eux conduisant une grève de la faim depuis le 22 juillet, ne participent pas à la manifestation, pour des raisons évidentes.

01:33 heures
Voilà un témoin oculaire. Les quatre évadés ont été capturés à deux endroits différents. Trois d'entre eux ont été immobilisés en face de la cage de la section des femmes. D’après le récit de notre témoin, les agents les auraient initialement immobilisés sur le sol et menottés, les poignets derrière le dos. Jusqu’à présent la situation est encore tranquille, puis un inspecteur de police arrive sur place, il commence à leur donner des coups de pied alors qu'ils sont déjà immobilisés sur la chaussée, puis il leur écrase le visage contre le sol sous les semelles de ses bottes. A ce moment-là les prisonnières commencent à crier et l'inspecteur ordonne à ses hommes d'emporter les trois à l'intérieur des bureaux.

01:54 heures
La révolte se prépare. La police conduit les quatre Algériens devant le portail pour les faire rentrer dans leurs sections et demande aux détenus de se déplacer pour les laisser passer et puis pour les enfermer dans leurs domaines. Devant la scène du retour des quatre Algériens les réactions sont très fortes. D’après les témoins oculaires les quatre seraient en mauvais état après la raclée subie. A l'intérieur de la cage, on prépare la révolte. Un groupe de détenus réussi à casser deux barreaux en fer de la cage et à ouvrir un passage pour atteindre un terrain à la lisière du mur où pouvoir prendre des pierres pour se défendre au cas où la trentaine d'agents en tenue antiémeute entrerait par la force et attaquerait les détenus. Pendant ce temps, l'un des prisonniers s’est coupé avec un fer le bras et la cheville.

02:07 heures
Selon notre témoin, à la base de l'insurrection en cours au Cie de Rome, en plus du massacre des quatre Algériens, ce soir, il y aurait une expulsion violente qui aurait eu lieu ce matin. Il s’agit d’un ressortissant tunisien, Monje, résidant à Milan depuis 20 ans avec sa femme et ses deux enfants. On est venu le chercher dans son lit pendant qu’il dormait, ce matin à l'aube. Il a été emmené et attaché avec du scotch après avoir fait résistance. Le monsieur en question avait déjà escompté au Cie de Rome 5 mois et 25 jours d’enfermement et aurait dû sortir après cinq jours. Sa femme, de Milan, lui avait déjà envoyé de l'argent par Western Union pour acheter son billet de train et retourner vers sa famille en Lombardie. D’après nos sources ceci a été la goutte qui a fait déborder le vase, à un moment où tous les détenus se sentent menacés par la nouvelle loi en discussion au Sénat, qui porte à 18 mois la limite maximum pour la rétention dans un Cie.

02:28 heures
Les détenus continuent à crier et à frapper contre les barreaux de la cage. Les agents, en tenue antiémeute ne sont pas encore entrés, aussi parce que ils sont moins nombreux. Les détenus sont en fait plus d'une centaine, armés de pierres pour se défendre. Dans la cour centrale de la cage, 7 matelas brulent pour empêcher l'accès aux forces de sécurité. Six Albanais participent également à la protestation. Ils sont bizarrement emprisonnés depuis maintenant 40 jours, en dépit d'être entrés régulièrement en Italie avec le nouveau passeport biométrique qui depuis décembre dernier permet la libre circulation des citoyens albanais dans l'UE sans visa. Ils demandent à être libérés en Italie ou en Albanie, sans passer un jour de plus au Centre. Pendant ce temps, une vingtaine de détenus sont montés sur le toit des cellules en signe de protestation.

02:55 heures
L'équipe d'agents en tenue antiémeute réussi à disperser des dizaines de détenus par des pompes à eau devant la porte et entre dans la cage. A force de coups, et en se protégeant avec leurs boucliers des jets de pierres, les agents parviennent à forcer les détenus à rentrer dans leurs cellules et ferment ensuite leurs cages avec une chaîne et un cadenas, car dans les deux heures précédentes, les détenus avaient trafiqué les serrures. Selon nos sources il y a au moins huit blessés parmi les prisonniers. Un groupe de détenus est toujours hors des cellules et tente de se défendre des coups en lançant des pierres et d’autres objets.

03:16 heures
Tous les détenus, y compris les quatre Algériens qui ont été frappés trois heures auparavant, ont maintenant été reconduits et enfermés dans les cellules. À l'heure actuelle le calme semble être revenu. La police est sortie à l'extérieur de la cage. Mais à l'intérieur, la colère est encore forte. Elle va de pair avec l'appréhension de la nouvelle loi sur les six mois de rétention. Pendant ce temps-là, de nouveaux détails sur l'expulsion de Monje qui a eu lieu ce matin apparaissant. Des témoins oculaires ont décrit son expulsion comme un événement très violent. Vers six heures du matin, une dizaine de policiers se sont présentés dans sa cellule alors qu'il dormait encore, trois d'entre eux se sont jetés avec tout leur poids sur lui pour l'immobiliser. Puis, une fois réveillé en sursaut, Monje a été contraint par la force à s'agenouiller, il a été menotté, les poignets derrière le dos, et emmené par la force. Les détenus qui ont été témoins de la scène se disent choqués. C'est le deuxième cas d'un Tunisien expulsé au bout de six mois. Mardi dernier, en effet, dans le groupe des 16 Tunisiens expulsés il y avait aussi Mohamed, employé au marché du poisson de Bari et en Italie depuis plus de dix ans, à qui il ne restait que quatre jours pour atteindre ses six mois de prison et sortir.

04:30 heures
Perquisition dans les cellules. Une équipe de 8 agents compte les détenus, cellule par cellule. Il manque trois personnes à l’appel qui durant le chaos des combats ont réussi à se cacher sur les toits. Ce sont trois Algériens.

07:00 heures
Parmi les trois Algériens qui étaient absents, deux ont été retrouvés et ramenés dans leurs cellules, apparemment sans subir de violences. Le troisième a réussi à s'échapper et est à nouveau en liberté. Pour comprendre de qui il s’agit, la police fait un deuxième contage, cellule après cellule, mais cette fois avec les registres et les photos.

07:30 heures
Un groupe d'agents en civil photographient les dommages subis par la structure. Un panneau en plexiglas défoncé à l’entrée de la cage, 7 matelas brûlés, deux caméras détruites et deux barreaux cassés sur l’arrière de la cage qui sont rapidement soudés sous le regard attentif de trois policiers. Mais pas un pour prendre en photo les prisonniers blessés.

09:30 heures
En punition. Les cellules sont encore fermées avec des chaînes et les détenus ne peuvent sortir dans la cour de la grande cage. Tout au long de la nuit, la direction du Cie a laissé les lumières allumées dans les cellules pour empêcher aux détenus de se reposer.

10:30 heures
Le personnel de la société gestionnaire Auxilium apporte le petit déjeuner, mais les détenus refusent d'être servis à travers la cage, comme des animaux, obligés de rester enfermés dans les cellules. Et ils proclament une grève de la faim.

12:00 heures
En représailles, même la vente de cigarettes est suspendue aujourd'hui.

13:30 heures
Une vingtaine d'agents entre police et police des douanes entrent dans la cage. Cellule après cellule, une équipe de huit personnes composée de quatre policiers, deux douaniers et deux policiers en civil armés de matraques, ramassent quelques prisonniers. Jusqu'à présent, 8 personnes ont été prélevées des trois premières cellules. Les deux dernières étaient des Egyptiens du groupe des employés du marché des halles de Rome pris dans le raid il y a trois jours. Ce n’est pas encore clair s’il s’agit des détenus arrêtés suite à la rébellion, ou s’il s’agit d’une expulsion collective en cours.

14:47 heures
La police répand la version officielle, rapidement reprises par les dépêches. La censure sur les raisons de la protestation et sur les violences de la police est totale.


INCENDIE ET JETS D’OBJETS DANS LE CIE DE PONTE GALERIA DE ROME. QUELQUES TENTATIVES D’EVASION
Rome, 30 juillet - (Agence de presse Adnkronos) – De nombreuses protestations ont eu lieu la nuit dernière au centre d’identification et d’expulsion de Ponte Galeria, près de Rome. Des immigrés ont mis le feu à des matelas et des couvertures, alors que cinq personnes ont escaladé la clôture pour s'échapper. Les voitures de la police sont intervenues sur place pour bloquer les émigrés en fuite. Des bouteilles et d’autres objets ont été lancés contre les agents. La protestation a éclaté peu avant minuit la nuit dernière. La situation est retournée à la normale après deux heures. Certains agents ont été blessés. Les pompiers ont aussi dû intervenir sur le site pour éteindre les feux.


SUITE A UNE TENTATIVE D’EVASION DES AFFRONTEMENTS ET DES INCENDIES AU CIE DE PONTE GALERIA PRES DE ROME
(Agence de presse ANSA) - ROME, 30 juillet- Quatre personnes ont tenté de s'évader la nuit dernière du centre d’identification et d’expulsion de Rome, à Ponte Galeria, mais elles ont été reprises par la police et une fois reconduites à l’intérieur du Cie elles ont démantelé plusieurs salles, elles ont mis le feu à des matelas et des couvertures et lancé des objets contre les agents. La "révolte" a duré environ trois heures. D'après ce que nous avons appris, peu avant minuit, quatre immigrés algériens, ont réussi à franchir la bordure du centre d’identification et d’expulsion. L'alarme a été déclenchée aussitôt et l'unité de police mobile de Rome a réussi à rattraper les fugitifs. Mais une fois reconduits à l’intérieur du Centre ils ont prôné la révolte: les immigrés ont lancé contre les agents des bouteilles, des pierres et des tuyaux arrachés des murs de la salle de bains. D’autres non-ressortissants de l’Union européenne ont donné le feu à des matelas et des couvertures et les pompiers ont dû intervenir pour éteindre les flammes. Le calme dans le Centre a été rétabli seulement vers 15 heures. Huit policiers ont été blessés, tandis que deux salles ont été fermées parce qu’elles ont été déclarée insalubres.

15:00 heures
Andrea Sarubbi, député du Parti démocratique italien, arrive au centre d’identification et d’expulsion de Ponte Galeria pour une inspection. Sarubbi avait déjà visité le Cie de Rome lors de la mobilisation nationale, lasciateCIEntrare, laisseznousentrer, le 25 juillet dernier.

15:13 heures
Touadi et Gaudio, membres du Parti démocratique envoient une dépêche sur la révolte de Rome et sur les faits de Lampedusa, en exigeant la fermeture des Centres d’identification et d’expulsion.


GAUDIO ET TOUADI, du Parti démocratique italien, demandent la fermeture des centres d’identification et d’expulsion
Rome, 30 juillet- (Agence de presse Adnkronos) - «Les dernières informations sur le harcèlement, les coups et les affrontements violents, à l’intérieur du Cie de Ponte Galeria, près de Rome, si elles sont confirmées, rendent encore une fois l'idée de la nécessité d'une fermeture définitive des Cie à cause de la manière dont ils sont conçus». Il s’agit de la déclaration conjointe du député du Parti démocrate, Jean-Léonard Touadi et de Sergio Gaudio, responsable du Forum sur l’immigration du Parti démocrate de Rome. « De même, nous continuons de recevoir des nouvelles de la présence d'enfants – ils ajoutent - par exemple dans le Cie de l'île de Lampedusa, en Sicile, qui cohabitent dans la promiscuité avec les adultes et qui sont traités exactement selon les mêmes méthodes, sans aucune attention et sans aucun respect pour leur jeune âge et leur état. Aucune garantie ne semble leur être due. » « Il nous semble incroyable - il conclut - que ce genre de situation puisse persister, dans un pays civilisé tel que l'Italie. Le parti italien de centre-droite mène une campagne qui est en train de faire sombrer notre pays vers une dérive d'intolérance et de limitation des droits inviolables qui n'est plus acceptable »

16:30 heures
Andrea Sarubbi, député du Parti démocratique, quitte le Cie après avoir parlé avec la police et les détenus. En gros, la police nie avoir eu recours à la violence et même elle se plaint d’avoir été victime d’une série de jets de pierres. Les détenus au contraire confirment avoir été victimes de nombreuses violences. Grâce à l'intermédiaire de Sarubbi, la direction du centre a finalement autorisé la réouverture des portes des cellules et la distribution d'eau et de nourriture à la cantine.

18.30 heures
Le député Andrea Sarubbi publie sur son blog un post dans lequel il reconstitue la révolte de la nuit dernière dans le Cie de Ponte Galeria.

24:00 heures
La nouvelle de la tentative de fuite des Algériens et de la révolte rejoint l’Algérie à travers le quotidien nationale El Watan, qui cite Forteresse Europe pour la reconstitution des faits.

traduit par Veronic Algeri