02 May 2007

Avril 2007

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Pendant que les arrivées diminuent, les patrouilles et les déportations augmentent, et les migrants continuent à mourir le long des routes pour l'Europe. Les victimes de la migration clandestine en avril 2007 sont 28, trois en Grèce, deux en Algérie, deux sur la côte de Malaga, en Espagne, et 21 sur la route pour les îles Canaries, où les arrivées dans les premiers trois mois de 2007 enregistrent une baisse de 57% par rapport à 2006.

La forteresse Europe. L'Espagne, l'Italie, Malte et la Grèce pourront bientôt compter sur l'appui des équipes d'intervention rapide à la frontière. 450 hommes mis à disposition par les 27 Etats membres, prêts à être déployés sur les points chauds des frontières de l’Ue. La décision a été prise par le Parlement européen, qui a aussi ajouté 10 millions d'euro aux 34 millions du budget de Frontex, l'agence pour la sécurité des frontières externes de l'Ue. Une agence qui aujourd'hui peut compter sur 116 bateaux, 27 hélicoptères, 21 avions et 400 véhicules radar pour sceller les frontières, avec 30 opérations prêtes à commencer en été. Les opérations dans l'Océan Atlantique ont commencé le 15 février 2007. Des patrouilles dans la mer du détroit entre la Sicile, Malte et la Libye, sont aussi prévues, mais personne ne connaît encore ce que décidera la Libye, qui l’année passée avait refusé d’y participer. Malte et la Grèce ont déjà demandé à Frontex de financer Nautilus 2, la deuxième édition de l'opération homonyme tenue en octobre 2006, qui avait coûtée 1,2 millions d'euro en 15 jours. Une réponse est prévue bientôt, et si Malte ne peut donner aucune garantie par rapport au droit d'asile, ça n'a pas d’importance.
En attendant aux Canaries, dernier acte de la militarisation de la frontière espagnole, le «système intégré de vigilance externe» (Sive) vient d’être installé sur l'île de Lanzarote. Dans deux ans tout l’archipel sera équipé du système, déjà monté en 2003 le long du détroit de Gibraltar pour un coût de 120 millions d'euro. L'installation du Sive apportera 6 millions d'euro à Tecosa, la compagnie du groupe Siemens, chargé d’effectuer les travaux.

Mort ou vif. Les migrants arrivés aux Canaries racontent des voyages toujours plus longs afin d'éviter les patrouilles de Frontex. En deux mois d'activité, 1.167 migrants ont étés interceptés en mer et reconduits à leurs points de départ par les forces européennes envoyées au Sénégal et en Mauritanie. Parmi les 21 morts d'avril dans l’Atlantique, aucun ne s’est noyé. Ils sont tous morts d'hypothermie et de déshydratation, après des traversées longue de 8 à 10 jours. Même les Gardes côte italiens l'ont rapporté: afin d'éviter Frontex, les itinéraires passent jusqu'à 300 milles marins au large de la côte africaine. La liste des morts est longue. Le 30 avril, un homme débarqué le jour précédent, meurt à l'hôpital de Las Palmas. Le 28 avril, 3 hommes sont retrouvés morts à bord d'une pirogue à Lanzarote. Le 26 avril, 2 morts à bord d'une pirogue à Tenerife. Le 23 avril, 13 morts sur une pirogue à la dérive dans les eaux mauritaniennes. Le 5 avril, encore 2 morts sur une pirogue secourue au large du Sahara Occidental.
À bord du bateau secouru le 23 avril au large de Nouadhibou, en Mauritanie, il y avait aussi 13 passagers dans un état critique. Mais le gouvernement mauritanien ne leur a pas permis de débarquer pour être hospitalisé, par conséquent ils ont dû revenir au Sénégal, 600 kilomètres au sud, avant de pouvoir être aidés. Tout compte fait, à Nouadhibou, 23 des 400 migrants arrêtés en février à bord de la «Marine I» sur la route des Canaries, sont toujours en prison. Personne ne veut des clandestins, particulièrement en Afrique.

Made in Africa. Bebé de Mamatou Hamidou Djob. Bebé de Antonia Andrew. Bebé De Jackson Katrine. Le mot «bebé» revient six fois dans la liste des morts présentée par l’Association des amis et des familles des victimes de l'immigration clandestine (Afvic). Ils n’ont pas de nom. Ils sont morts peu d'heures après leur naissance. Leurs petits corps sont abandonnés avec ceux de 12 adultes dans deux morgues de Casablanca. Mort naturelle. Nigériens, Ivoiriens, Maliens, Congolais. Clandestins. Leurs dépouilles sont abandonnées ici depuis des mois, certains depuis un an. Même s’ils sont morts ils restent des clandestins. Personne ne connaît leurs familles, et les autorités ne semblent pas disposées à dépenser un seul dirham pour leur inhumation.
Et entre-temps, les parents des jeunes victimes risquent chaque jour d'être arrêtés et expulsés de Casablanca et Rabat vers Oujda, à la frontière algérienne, où - selon l'association Beni Znassen - plus de 700 déportés vivent cachés dans les vallées entre Oujda et Berkan, sans accès aux services de santé et au marché du travail. Le 27 avril, 6 migrants sub-sahariens ont été arrêtés à Rabat, et expulsés à Oujda. Parmi eux il y avait Adama Keita, un réfugié politique ivoirien, sous la protection du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Encore une fois, après les déportations de masse de Noël 2006, les Nations Unies continuent à être impuissantes devant l’énième violation du droit d'asile au Maroc.

La chasse à l’homme. La Libye est en train d’expulser des milliers de migrants. Au moins 11.000 étrangers ont étés expulsés depuis septembre 2006. Les 500 derniers, des femmes pour la plupart, ont débarqué à l'aéroport de Murtala Muhammed, à Lagos, Nigéria, la nuit du 5 avril. Une fois arrivés, les déportés ont dénoncés le traitement inhumain infligé par les autorités libyennes. Un déporté a dit avoir été torturé en prison. Et un homme a déclaré avoir passé quatre ans en prison avant d'être expulsé. Leurs biens ont été confisqués par les agents pendant l'arrestation et personne n’a pu obtenir un avocat. À partir de mars 2007 la Libye demande aussi un visa d'entrée aux citoyens africains. Qaddafi a donné un ultimatum aux étrangers illégaux dans le pays. La crainte d'une chasse à l’homme est très élevée. Les chiffres des arrestations ne rassurent pas, particulièrement à la lumière des conditions de détention, déjà dénoncées par l'Ue, Human Rights Watch et Afvic. Rapports qui parlent des tortures, arrestations arbitraires et déportations collectives, même en plein désert.

Voyage à Tripoli. Quoi qu'il en soit le ministre italien des affaires étrangères Massimo D'Alema ne s’est pas préoccupé des conditions des migrants, quand le 9 avril il a rencontré Qaddafi à Tripoli. L'Italie a financé trois des centres d’arrestation de migrants en Libye, à Kufrah, Sebha et Gharyan. La saison des arrivées des migrants par mer a commencé, ce que confirment les récentes arrivées en Sicile, en Calabre et en Sardaigne. Quand bientôt le trafic augmentera, et les médias crieront aux envahisseurs, l'Italie et l'Europe ne pourront qu’approuver les résultats de Tripoli. La fin justifie les moyens. Aux harrag africains, clandestins en Afrique, poursuivis dans les quartiers populaires des villes côtières entre Zuwarah et Tripoli, il ne reste que la dernière carte à jouer: se jeter à la mer, à tout prix, avant qu’il ne soit trop tard.

Un mois à la frontière