04 August 2011

CIE de Rome: 20 points pour ne pas être expulsé


Que quelqu'un nous dise si cela est normal ! Si pour aller voir sa sœur à Livourne, en Toscane, un garçon de vingt ans doit s’ouvrir une cuisse avec une lame de rasoir en fer et creuser dans la chair jusqu'à ce que la blessure soit profonde, parce que c’est le seul moyen de ne pas être réexpédié en Tunisie. Encore une autre histoire de douleur et d'humiliation en provenance du centre d'identification et d'expulsion (CIE) de Rome. Le protagoniste s’appelle Khalil. C'est un garçon tunisien de Jbel Ahmer, un quartier populaire de la banlieue de Tunis. Il est arrivé à Lampedusa il y a quatre mois et de là il est passé au Cie de Ponte Galeria. On est venu le chercher cette nuit. Le jeudi est le jour des expulsions. Quand ils sont arrivés il était 03h40 heures. Dix-huit agents, en tenue civile. Un par un, ils ont sorti de leurs cages six Tunisiens. Puis ils sont arrivés chez lui. Quand il les a vus, il a voulu grimper sur l’échafaud au-dessus du lit, où on range les vêtements. Et il a commencé à les supplier. De ne pas le laisser partir. Qu’il avait encore les marques des coupures qu’il s’était faites les deux dernières fois qu'on avait essayé de l'emmener à l'aéroport. De le laisser guérir d'abord. Mais les agents ont insisté. Pas d’histoires. « S'il y a du sang on te laisse, sinon tu repars quand même.» Les règles sont claires. Alors, il a sorti une lame de rasoir, il l’a enfoncée dans la chair au-dessus du genou et a coupé profondément. A la vue du sang, les agents ont quitté la cellule et sont rentrés à leur poste, tranquillement, comme si de rien n’était, plutôt occupés par la préparation de la deuxième ronde d'expulsions de 07:00 heures, que non par les conditions de Khalil.

Le médecin à été alerté par les autres prisonniers à force de cris et de coups. Quelqu’un est arrivé depuis l’infirmerie peu après, mais Khalil n'a pas voulu sortir. Il avait peur que ce soit un piège. Il avait peur de trouver la police prête à l'emmener après les soins. Ce genre de choses est dans l’air que l’on respire à Ponte Galeria. Sa plaie a donc été désinfectée dans sa cellule. Et seulement cinq heures plus tard, autour de neuf heures, on a réussi à le convaincre à aller à l'infirmerie.

Un de ses compagnons de cellule a compté ses points: vingt. C'est la troisième fois en quatre mois que Khalil se blesse. C’est la règle qu'il a appris rapidement des autres détenus, le sang repousse le rapatriement mieux que n'importe quel avocat.

Peut-être Khalil espère ainsi atteindre l'expiration des six mois. Et il espère être libéré par délai d'échéance et pour finalement rejoindre sa sœur qui vit à Livourne en Toscane, qui peut l’accueillir et qui peut l’aider à trouver un emploi et reprendre une vie normale. Lui qui a tout investi sur ce voyage. Et en plus de perdre quatre mois de liberté, il a aussi perdu deux de ses amis les plus chers, qui se sont noyés au large de Zarzis avec neuf autres jeunes de son quartier, Jbel Ahmer, la nuit du 29 Mars.

Khalil, qui ne parle pas un mot d'italien, ne sait toujours pas qu’avec la nouvelle loi il devra rester dans le Cie 18 mois et non plus six. Et nous ne savons pas ce qu’il sera capable de faire quand à la fin du sixième mois, il sera informé de la prolongation.

traduit par Veronic Algeri